Ingénieur du son, Pierre Armand a été étudiant au SATIS au début des années 90. Il revient sur ces années de formation et son parcours professionnel, et livre une réflexion intéressante sur la valeur du réseau professionnel.

L3525028“Mon parcours de formation au SATIS a été quelque peu sinusoïdal…En 1992, j’ai fait la première année mais je n’ai pas pu enchaîner sur la suivante, car le service militaire m’avait rattrapé. Par chance, et grâce à un ancien du SATIS, j’ai pu être affecté au service audiovisuel de la Marine à Toulon, ce qui m’a permis de vivre une année en conditions réelles de production.

J’y ai retrouvé un copain d’une promotion précédente et à deux, nous avons réalisé pendant un an le magazine vidéo mensuel de la Marine : lui tournait les reportages et les montait, je m’occupais de la prise de son, du montage son et du mixage. Tout cela sur bandes analogiques. Ce fut très formateur car il fallait se débrouiller seul avec du matériel pro dernier cri.

En 1993, au sortir du service national, j’ai pu revenir au SATIS en Maîtrise de sciences et techniques, section vidéo. Sur trente étudiants, nous étions une demi-douzaine à nous spécialiser dans le son sous la houlette de Rémi Adjiman. On utilisait le premier ProTools du sud de la France, avec son interface 442, un Apple Quadra 950 et un disque dur de 4 Go de mémoire. Enorme ! L’image venait d’un magnétoscope BVU qui pesait 30 kg et qui n’était pas un modèle de maniabilité. Mais l’informatique audio venait de naître et c’était une révolution.

“Au bout de 15 jours de stage, j’ai été embauché.”

Cette même année, Jacques Sapiéga et Rémi m’ont proposé de m’occuper du son du cédérom sur Marcel Pagnol que SATIS a produit. Le format imposait que les fichiers audio soient en 8 bits 22kHz, l’horreur pour un passionné de son. Il a fallu employer toutes sortes de ruses pour que le son final soit correct. J’ai dans la foulée effectué un stage en post-production son de téléfilms à France 3 Marseille. Au bout de quinze jours, j’ai été embauché.

J’ai donc de nouveau quitté le SATIS et le mémoire que je devais rendre en a pris un coup… En d’autres termes, au moment de le rendre, je n’en avais écrit qu’un vague sommaire et quelques intentions ! Je me suis réinscrit en 1997 mais avec le boulot, j’ai encore raté le coche. J’étais dans l’action et j’avais un peu du mal avec l’écrit.

Pour l’anecdote, pendant des années, je suis intervenu à SATIS pour former les étudiants à ProTools sans avoir le diplôme qu’ils préparaient ! Ce n’est que dix ans après, en 2004, pendant une période de creux que j’ai voulu boucler le fameux mémoire. Mais le diplôme n’existait plus. Sur les conseils de Rémi, j’ai demandé une validation des acquis de l’expérience et j’ai enfin bouclé un DESS en écriture et réalisation en images fixes et animées en 2005.

“J’ai refusé d’être intégré à France 3 pour ne pas tirer un trait sur d’autres projets””

Mon parcours à France 3 n’a pas non plus été un long fleuve tranquille. La station de Marseille me faisait signer des contrats à répétition sur des postes administratifs car le planning ne reconnaissait pas le diplôme. L’administration y a mis un frein au bout d’un moment. J’ai donc commencé à travailler dans le secteur privé.

Un an plus tard, et fort de cette nouvelle expérience, j’ai toqué de nouveau à la porte de France 3 où j’ai cette fois réussi à être admis au planning. Rémi Adjiman m’a beaucoup soutenu dans la démarche et a oeuvré par la suite pour que le diplôme soit reconnu, évitant les mêmes difficultés aux étudiants qui suivirent.

Par la suite, j’ai travaillé de nombreuses années comme intermittent à France 3 tout en continuant dans le privé. France 3 m’a alors proposé d’être intégré. J’ai refusé trois fois la proposition ,ne voulant tirer un trait sur les nombreux projets passionnants sur lesquels je travaillais en parallèle. Ce fut la fin de ma collaboration avec la chaîne.

“Les copains du SATIS m’ont donné les bons tuyaux”

Très vite, je me suis découvert une passion pour le documentaire, sans pour autant me résigner à choisir entre prise de son, montage et mixage ce qui n’allait pas de soi à l’époque. J’aime la formidable expérience de vie que propose le documentaire, les rencontres de toutes sortes avec des gens passionnants, leurs histoires, leurs univers, les voyages… Je ne connais aucun métier qui m’aurait permis ça. C’est mon école de la vie.

Ce sont souvent les copains du SATIS qui m’ont donné les bons tuyaux ou qui parfois ont même convaincu les réalisateurs et producteurs avec lesquels ils travaillaient que j’étais celui qu’il leur fallait. Ils m’ont ainsi mis le pied à l’étrier, petit à petit. Cette solidarité avec mes camarades de promotion a été vraiment déterminante à mes débuts dans le métier.

Le manque de studio son à Marseille m’a rapidement encouragé à investir dans un système informatique audio pour le montage son et le mixage. Nous avons eu la chance d’obtenir un local à la Friche Belle de Mai à Marseille. Quelques années plus tard, mon camarade de promo Pierre-Sylvain Vaïsse, monteur et réalisateur, m’a rejoint : le studio Lemon était né. Un gros projet avec les parfumeries Marionnaud nous a permis de nous lancer et d’étoffer notre équipement.
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“Il faut se remettre en question en permanence”

Après une bonne quinzaine d’années dans la post-production cinéma parisienne à Elison, Frédéric Bielle (promotion 1993) nous a rejoint en 2011 pour créer avec moi un auditorium de mixage pour le long-métrage dans de nouveaux locaux.

Depuis, l’éventail de nos prestations s’est élargi : création sonore, fiction, documentaire, film institutionnel, captation évènementielle… La période 2012-2013 a été un très bon cru, notamment grâce à Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture qui a boosté de nombreux projets.

2014 est plus difficile : on doit se démener pour accrocher des trucs. La crise économique est bien là. Mais pas seulement : les modes de diffusion et les méthodes de travail sont en pleine mutation. Les salles de cinéma et la télévision subissent de plein fouet l’irruption des nouveaux canaux digitaux, les financements publics de la culture sont en berne et nous travaillons essentiellement sur des projets de création…

Il faut se réinventer sans cesse. Nous investissons d’autres champs : le web-documentaire, l’art contemporain, la formation… Ce sont de toute façon des métiers où il faut se remettre en question en permanence !

“Aujourd’hui, le réseau SATIS a une vraie valeur”

Quand j’ai démarré dans le documentaire, je ne connaissais pas grand-monde, comme la plupart de mes camarades de promo. La solidarité a pleinement joué ! Aujourd’hui, ce réseau a une vraie valeur. J’y crois. Et le réseau, c’est le plus important dans un métier où le prochain contrat n’est jamais gagné d’avance. La conjoncture n’étant pas facile, il faut se serrer les coudes.

A mon tour, je prends régulièrement des stagiaires venant de SATIS car j’en connais la valeur, même si ce n’est jamais facile au sein d’une petite structure. Je suis en confiance. Mon réseau de professionnels compte de nombreux satisiens et je crois profondément que quelque chose de fort nous relie. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de m’investir dans la toute nouvelle association SATIS Alumni dont nous parlons avec Rémi depuis plusieurs années.

Je continue à retrouver ce bon état d’esprit, sans prétention, qui régnait à SATIS il y a déjà plus de vingt ans. Sans non plus oublier le bon niveau des étudiants, leur enthousiasme et leur passion. Je les trouve bien dans leurs baskets et leur métier. Et j’ai été impressionné par le niveau des réalisations que j’ai pu voir lors des 25 ans de SATIS.

Propos recueillis le 9 septembre 2014 – Tous droits réservés

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