Après ses 3 années de formation à l’école, Dorian “monte” à Paris pour un stage sur un long métrage. C’est le début d’une belle carrière qui continue sur les plateaux de tournage.

Bonjour Dorian, en quelle année es-tu sorti du SATIS ? En quelle section ?

Je suis sorti du Satis en 2015 et j’ai étudié en son.

Où avais-tu étudié avant le SATIS ?

J’ai étudié au BTS audiovisuel de Montbéliard. Il y a plusieurs élèves issus de ce BTS au Satis depuis, car Jocelyn Chappaz, l’un des professeurs, est un ancien étudiant. Je n’ai pas été pris tout de suite après à Satis. Durant une année de transition, j’ai suivi un stage à CKLR, une radio communautaire à Québec, au Canada. Ensuite, j’ai réussi le concours et intégré l’école.

Quel était ton rôle dans cette radio ?

C’est une radio qui n’appartient à personne et tout le monde en même temps, comme une radio libre en France. Il y a quelques permanents, mais tout le monde peut venir, proposer des émissions et avoir un créneau horaire pour parler du sujet qui lui importe. Je m’occupais de la technique. J’ai demandé à faire de la mise en onde, donc j’étais derrière la console tous les matins pour la matinale et d’autres émissions. 

Dorian, perchant en haut de l’arc de Triomphe

Est-ce que tu as travaillé dans une société de location de matériel ?

Non, je n’ai pas suivi cette voie-là. J’ai été assistant son sur des tournages. Mon premier stage en long métrage, je l’ai eu en dernière année, avec Nicolas Provost comme ingénieur du son et Vivien Mergot comme perchman (lui aussi est un ancien de Satis, c’est comme ça que j’ai entendu parler de l’offre de stage). Ensuite, j’ai enchaîné avec d’autres tournages, pendant 8 mois. Des stages, puis des renforts et finalement des postes payés. J’ai pu avoir le statut d’intermittent du spectacle à Noël. J’ai saisi ma chance, je me suis donné à fond et j’ai eu un enchaînement assez chanceux.

En quoi consiste le métier d’assistant son/second ?

Un peu tout pour aider le perchman et l’ingénieur du son ! C’est un poste présent sur certains longs métrages, et de plus en plus, sur les séries. Quand les rythmes de tournage sont élevés et qu’il faut aller vite, on prend une personne en plus dans l’équipe son. Il s’occupe de la gestion des batteries et des micros HF. Il y a aussi l’atténuation des sons gênants (pose de moquette, talons des comédiens, le mobilier, couper les clims, etc.) Le traitement acoustique des pièces. Par exemple, j’ai déjà été amené à chronométrer la durée des feux rouges. C’est un aspect important de la prise de son, qui correspond plutôt à couper des sons que d’en capter, mais c’est souvent aussi important. Et puis on fait des secondes perches. Quand tu tombes sur une équipe qui t’en fait faire beaucoup, ça te permet de bien progresser. On peut aussi être amené à enregistrer des ambiances et des sons seuls, en autonomie, avec un enregistreur. Aujourd’hui, on prend rarement le temps d’arrêter une équipe de tournage pour faire des ambiances et des sons seuls. Alors, l’assistant son mange en décalé et va enregistrer des fonds d’airs, des portes, etc, dans les décors à la pause, ou alors prend la voiture et va faire des ambiances de nature. Sachant qu’à Satis, on est formé sur plusieurs enregistreurs, quand on arrive sur le plateau, ça fait toujours plaisir à l’ingé son de voir que l’on connaît le matériel. On est efficace plus rapidement.

Dorian et une partie de son matériel

Comment es-tu devenu perchman ?

Je faisais un renfort sur un film tourné en région Bourgogne-Franche Comté, dont je suis originaire. Et le perchman s’est cassé le coude lors d’un accident de scooter, à la moitié du tournage… L’ingénieur du son a dû chercher un remplaçant en catastrophe pour la semaine suivante. Il a d’abord cherché un profil avec plus d’expérience, mais étant en plein mois de juillet, il n’a pas trouvé. Finalement, il m’a proposé de prendre le relais pour les quatre semaines suivantes. Et ça s’est bien passé ! Jusque là, j’avais fait des renforts à la perche et des courts-métrages. Mais une fois qu’on a une expérience de perchman en long sur le CV, les ingénieurs du son nous prennent au sérieux. J’ai pu d’ailleurs enchaîner avec un autre long métrage à la perche. Après, j’ai décidé de sauter le pas et de me lancer comme perchman, j’ai refusé quelques jobs de second assistant son. Ça a été un peu dur pendant quelques mois. J’ai fait des courts métrages en région et des petits projets… Mais au final, ça a payé et je travaille exclusivement comme perchman désormais.

Est-ce qu’il y a un duo qui se crée entre l’ingénieur du son et son perchman ?

C’était plus le cas avant, même si certains ingénieurs du son travaillent encore avec un seul perchman. Mais c’est un peu dangereux. Parce qu’un ingénieur du son dépend de son réseau de réalisateurs. Et si ces réalisateurs ne travaillent pas, alors on se retrouve sans boulot… Ou alors il peut faire un documentaire, donc n’a pas besoin de perchman. Ou encore, il va chercher un profil de perchman spécifique… Bref, il vaut mieux éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier.

En quoi consiste le métier de perchman ?

Le but principal, c’est de tenir un micro au bout d’une perche, au bon endroit, au bon moment, sans gêner aucun élément de l’image. C’est déjà beaucoup. Le deuxième aspect, c’est assister son ingénieur du son. Il est de plus en plus en retrait, devant son enregistreur et à côté de la mise en scène. Le perchman est “à la face”, gère les problèmes de cadre et lumière avec l’équipe image. Ensuite, il y a un vrai travail de “mise en scène” de la prise de son à faire. À savoir placer sa perche à un endroit, à un moment donné, selon ce qui se passe, selon ce que raconte le plan. C’est d’abord à nous de faire ces choix-là. Ensuite, on travaille en équipe avec notre ingénieur du son, et le réalisateur selon les intentions, ce qu’ils préfèrent entendre à quels moments. On propose une deuxième perche, des appoints, etc. C’est pas juste tenir un bâton ! Il y a un vrai travail de choix de prises de son. Je suis libre de faire des propositions, on en discute, c’est très intéressant. Dernier point, avec le cadreur on est les plus près de ce qu’il se passe dans le jeu, avec les acteurs, on est les premiers à pouvoir donner notre avis. On ne va pas en discuter directement avec le réalisateur. Quand il y a des choses qui m’interrogent, que je trouve bien, des détails de raccord ou des choses qui se disent par rapport à ce qu’on a tourné avant, je n’hésite pas à aller en parler avec l’ingénieur du son. Il a plus de recul et il va voir les choses d’un œil différent. Des fois c’est pertinent, d’autres beaucoup moins. Puis on est aux premières loges, et on assiste parfois à des scènes fantastiques avec les acteurs. C’est tout ce que l’on vit en faisant des films. C’est à chaque fois une petite ou une très grosse aventure, dans laquelle on vit des moments géniaux comme très durs et durant laquelle on rencontre des personnes très souvent formidables. Voilà, c’est bête, mais je crois que c’est finalement ce que je préfère dans mon métier.

Au bon endroit, au bon moment (et avec les bons vêtements) 

Quels rapports entretiens-tu avec les comédiens ?

Frédéric Belin (NDLR : ingénieur du son et professeur de son au Satis) nous a enseigné qu’on ne s’adressait pas directement aux comédiens. Quand on débute, c’est une bonne règle à appliquer. Forcément, si je dois poser un micro d’appoint, j’échange avec le comédien sur l’endroit où il donne sa réplique, etc. Mais concrètement mon lien avec la mise en scène, c’est l’ingénieur du son. Le réalisateur travaille avec les comédiens pour les mettre dans certaines dispositions, et si tu interfères et brouilles ces échanges-là, tu peux te faire taper sur les doigts.

Est-ce que tu dois apprendre le texte des comédiens ?

Oui, il vaut mieux ! (rires). Ça dépend des films. Parfois, le texte est très calé, très figé. Par exemple sur les séries quotidiennes, où il y a une vingtaine de pages par jour à apprendre. Les comédiens restent dans le texte. Je ne l’apprends pas par cœur au sens de pouvoir le jouer. Mais je dois évidemment savoir de quoi ça parle. J’ai fait du piano, on peut faire la comparaison avec un morceau appris avec une partition : au bout d’un moment, même si la partition est toujours sous nos yeux, on joue sans la regarder. Avec le texte en tête, c’est pareil. J’essaie de me détacher des feuilles de papier et de juste suivre l’action. Des fois, on lâche les comédiens sur une trame et tout peut se passer… Typiquement, sur un film que j’ai perché cet automne avec des enfants, on apprend la trame, et ensuite c’est parti, il faut suivre !

Est-ce qu’il faut faire de la musculation pour être perchman ?

Au début, je n’en faisais pas, mais je m’y suis mis ! C’est un travail exigeant pour tout le corps, il n’y a pas que les bras qui travaillent : le dos, les jambes, etc. Avoir un côté sportif est un plus indéniable. Mais le matériel est de plus en plus léger. Plutôt que de la musculation, il faut surtout s’entretenir et avoir de l’endurance. Faire attention à ne pas se faire mal au dos, faire du gainage… C’est dur parce qu’il n’y a pas vraiment d’exercices spécifiques pour tenir la perche. Il faut trouver les bonnes positions pour avoir le bon équilibre et le bon centre de gravité. Puis parfois, on a juste mal au bras et on serre les dents…

Sur ta page IMDB, j’ai vu que tu avais été « Adr boom operator ». Ça consiste en quoi ?

Il s’agit de percher des comédiens lors de séances de postsynchronisation. L’ingénieur du son en charge de l’enregistreur demande souvent un perchman, afin de pouvoir moduler la hauteur de la perche par rapport au comédien, parfois aussi de recréer un dé-timbrage ou des mouvements de tête et ainsi raccorder avec les sons directs. Si on a participé au tournage, on peut donner des indications sur les micros utilisés sur une scène. Mais globalement, c’est moins compliqué, car on est au chaud dans un studio, on ne perche qu’un seul comédien à la fois et il n’y a pas de cadre, de lumière, et très peu de déplacements !

Quelles sont les difficultés à percher dans une langue étrangère ?

J’ai été second assistant son sur un film au Kosovo, tourné en Albanais. Aucun membre de l’équipe son ne parlait albanais. Le perchman a appris quelques mots. On ne peut pas apprendre le texte dans ces cas-là. C’était un film avec beaucoup d’improvisation. Il faut savoir ce qu’il se passe, et dans quel ordre. La technique, c’est de se répartir en « zone » ou en personnage. Il faut regarder les acteurs qui vont parler, et pas rester fixé sur l’acteur qu’on perche, pour pouvoir anticiper. Puis au fil du temps et des répétitions, on comprend la dynamique de la scène. À force, on reconnaît des mots, des fins de phrases et des sonorités, mais ce n’est pas évident…

Une photo “Satis Alumni” sur le tournage de “Le tueur du lac” à Annecy. Avec de gauche à droite, Lara Vigny, Dorian Racine, Pierre Gauthier et Olivier Pelletier.

Qu’est-ce que la pandémie a changé au niveau de la prise de son en fiction ?

Ce qui a changé, c’est qu’on perche avec un masque tout le temps, qu’on se lave les mains tout le temps et qu’on nettoie notre matériel tout le temps. Sur un long métrage, on ne peut pas se passer des micros HF, à l’inverse de certaines séries quotidiennes qui les ont proscrits à la reprise, après le premier confinement. On passe des tests PCR fréquemment, même si les productions n’ont pas à nous obliger à le faire. Concernant les kits retours (un récepteur et un casque) que l’on distribue aux différents membres de l’équipe, j’ai mis en place un système de rangement dans des sachets individuels. Chaque personne a le même casque et le même émetteur. Cela dit, une fois distribué, chaque personne est responsable de son matériel et ce n’est pas à moi de faire la police… Il y a un.e infirmier.e sur le plateau, et il ne faut pas hésiter à aller consulter si on ne se sent pas bien. C’est un des rares « points positifs » de cette période, la systématisation de ce référent médical sur les plateaux. J’espère que cela pourra rester par la suite.

Qu’est ce que tu conseillerais à un(e) jeune satisien (ne) souhaitant devenir perchman ?

Viser haut, faire des stages sur des gros projets et avec des ingénieurs du son réputés. Non seulement parce que s’ils travaillent beaucoup, c’est qu’ils sont bons, et c’est toujours mieux d’apprendre avec les meilleurs. Mais aussi, parce qu’ils auront vu passer pleins de stagiaires, et pleins de seconds, et qu’ils auront un important réseau. 

Ne pas perdre de vue la vie qu’on veut vivre. Je voulais monter à Paris, et j’y suis bien. Mais j’ai des amis de l’école qui ne voulaient pas de cette trajectoire-là, et qui s’en sortent aussi très bien. Il y a du travail à Marseille, à Montpellier… On peut aussi faire de chouettes projets en région. Ne pas forcément se dire : « Je vais à Paris pour faire comme Untel. » Penser à ce qu’on veut vivre et comment on veut vivre.

Et si vous avez une adresse fiscale en région, par exemple le domicile de vos parents, il ne faut pas hésiter à jouer cette carte-là et s’inscrire sur l’annuaire de techniciens Film France Talent. Les régions donnent de l’argent à des films, pour qu’ils viennent tourner sur place et en contrepartie d’un montant obligatoire de dépense sur le territoire. Les productions doivent donc souvent engager une partie de locaux dans les équipes, c’est-à-dire des personnes ayant leur adresse fiscale dans la région. Pour le son, c’est souvent le second assistant, voir même le perchman sur les courts métrages. Il faut contacter le bureau d’accueil des tournages, pour leur demander la liste des projets aidés. Quand j’ai une période d’inactivité, il m’arrive souvent de consulter cette liste et de démarcher des productions par ce biais. Ce peut être un autre moyen de se créer un réseau.

Est-ce que tu as un souvenir particulier de tes années d’étude au Satis que tu souhaites partager avec nous ?

C’est dur de résumer 3 ans d’école en une anecdote ! Je me souviens quand nous avons tourné « Dans la tête d’un directeur de la photographie », nous nous sommes retrouvés à monter un décor sur le plateau vidéo. La synergie de l’équipe a poussé chacun à dépasser sa fonction, chacun a donné un coup de main pour déplacer les feuilles de décor, les repeindre, tout installer… Puis, quand je me rappelle ce tournage, j’ai une très grosse pensée pour Raquel Vidosa, qui a coréalisé le film avec Pauline Pello, et qui nous a quitté bien trop tôt l’an dernier.


Visionner le documentaire “Dans la tête d’un directeur de la photographie”

Entretien réalisé à distance par Clément Allemand, en mars 2021.